Sacha Carlson
Quelques notes sur le simulacre ontologique dans les Recherches phénoménologiques (Richir)

Je ne veux pas entrer ici dans le détail du texte extrêmement complexe des deux premières Recherches, où Richir introduit pour la première fois la notion de simulacre ontologique. Je préfèrerai traverser la problématique de manière globale pour en cerner les enjeux principaux qui seront discutés par la suite. Commençons donc par rappeler que c'est à l'occasion d'une interprétation critique de la réduction phénoménologique chez Husserl, dès la première Recherche, que la notion de simulacre ontologique en vient à être forgée. Richir amorce en effet sa réflexion en partant de la définition proprement husserlienne du phénomène, et plus particulièrement à partir de ce qu'on a nommé le « tournant transcendantal » de la phénoménologie, où le phénomène, comme vécu intentionnel, est pensé de manière strictement coextensive à la réduction phénoménologique. Dans ce contexte, le phénomène ne s'envisage plus simplement comme l'a priori psychique corrélatif à un a priori objectif – c'est ainsi qu'à cette époque, Richir interprète globalement la problématique husserlienne des Recherches logiques[1]–, mais à partir de la subjectivité transcendantale, définie par la réflexivité pure d'un cogito, dont les phénomènes sont les cogitationesintuitionnés dans la réflexion[2]. Plus précisément, dans la sphère d'immanence de la subjectivité transcendantale, les phénomènes se constituent comme les systèmes d'apparitions à chaque fois tendues vers un apparaissant, qui en constitue l'horizon[3]– par exemple, dans la perception sensible, la chose perçue (l'apparaissant) n'apparaît jamais qu'à travers une série d'apparitions sensibles : les Abschattungen. Or il est caractéristique que dans sa lecture critique, Richir cherche surtout à interroger le mode d'apparaître propre au phénomène et au champ phénoménologique, bref, cela même qu'il va nommer la phénoménalisation. À cet égard, il faut remarquer deux choses : d'une part, que les apparitions n'apparaissent jamais en elles-mêmes, mais seulement en tant qu'elles sont tenduestéléologiquement vers l'apparaissant ; et d'autre part, que l'apparaissant n'apparaît pas véritablement lui-même, en ce qu'il ne s'occulte pas dans de l'apparu[4], mais ne fait jamais que s'annoncer à travers ses apparitions. Il en résulte que le champ phénoménologique que constitue la subjectivité transcendantale avec ses phénomènes, n'apparaît pas à proprement parler, mais peut néanmoins être aperçudans la mesure où il se diffère sans relâche[5]. C'est cette situation paradoxale que Richir entend analyser à partir de la théorie husserlienne de la réduction phénoménologique, mais comme on va le voir, pour en radicaliser l'exercice – « au-delà même de ce que Husserl lui-même n'a jamais osé essayer »[6].
Pour le comprendre, on peut repartir de ce que Husserl nomme l' « attitude naturelle ». Celle-ci, on le sait, se définit comme l'attitude la plus « naturelle » ou la plus spontanée de l'homme, pour qui nous sommes tous dans un même monde où les choses et les êtres se tiennent d'eux-mêmes devant nous, toujours offerts à une prise en vue possible. Dans ce contexte, la réduction phénoménologique consiste à se déprendrede cette impression d'auto-consistance du monde et des choses, pour porter l'attention sur le mouvement de constitution subjective qui les constitue. Or la difficulté, on le sait, est double : d'une part, il n'est pas si simple de se défaire d'une impression si profondément enracinée dans l'expérience, et qui semble même en définir l'étoffe propre ; Husserl n'hésitera d'ailleurs pas à caractériser l'attitude phénoménologique comme une pensée radicalement « non naturelle ». Et d'autre part, il n'est pas simple non plus de porter son regard sur l'apparaître lui-même. Car qu'est-ce que regarder un mouvement ? La difficulté tient évidemment en ce la conversion du regard requise ne consiste pas à porter son regard sur autre chose, mais à voir autrement: voir l'événement d'apparaître de la chose avant même qu'elle ne se cristallise en un ob-jet (Gegen-stand), se tenant de lui-même devant moi comme toujours déjà donné. Et en ce sens, comme le commente Richir, cela requiert paradoxalement de remonter en-deçà de l'évidence quasi-aveuglante de l'attitude naturelle qu'on ne peut cependant pas supprimer, et de faire comme sil'ob-jet naturel n'était pas encore donné dans l'attitude naturelle pour en sonder la parution qui semble pourtant toujours déjà avoir eu lieu. Comment donc penser le regard proprement phénoménologique, qui cherche à épouser le mouvement de constitution de la chose, et qui ne peut accompagner ce mouvement qu'à la condition de ne jamais se fixer ou s'installer (einstellen). Ce regard est-il strictement coextensif d'un comme si ou d'une simulation, comme le suggère Richir ?
Richir s'en explique encore une fois en examinant de manière critique la position de Husserl. Dans le cadre de la phénoménologie husserlienne, il est caractéristique que l'accès aux phénomènes se présente toujours comme le retour réflexif sur le Moi ou la subjectivité transcendantale sous la forme d'un cogito. La difficulté, dès lors,consiste avant tout à ne pas prendre le Moi comme quelque chose de stable dans l'être, comme une chose qui est dans le monde, et qui relèverait donc de l'attitude naturelle, mais bien plutôt comme le mouvement d'apparaître des choses, c'est-à-dire, ultimement, pour Husserl, comme le flux de temporalisation du présent vivant muni de ses rétentions et de ses protentions. Or la difficulté est réelle, car comme Husserl lui-même s'en est expliqué, il est caractéristique que le regard ne peut s'empêcher de considérer d'abord le Moi qu'elle prend en vue comme quelque chose qui est au même titre que les choses du monde – cela même que Husserl nomme le « Moi psychologique » –, perdant par là de vue le « Moi transcendantal » dans son mouvement de temporalisation, qu'il s'agissait pourtant de dévoiler. Comme l'écrit Husserl dans une série de textes que Richir ne manque pas de citer et de commenter abondamment[7], le champ phénoménologique-transcendantal est séparé du champ psychologique par un « abîme », alors même que les deux champs sont aussi parallèles, et peuvent sembler dès lors n'être séparés que par un « rien » : c'est ce qui explique la confusion presqu'inévitable entre les deux champs, psychologique et phénoménologique, que Husserl cherchera à penser comme le « psychologisme transcendantal »[8], et dont Richir essaiera de démonter le mécanisme comme celui d'une illusion transcendantale. Ce sera donc le point de départ de Richir, par où il enfonce le coin de toute son interprétation : prendre en compte que la phénoménologie doit jouer, dès le départ de son entreprise, avec une illusion transcendantale inscrite au cœur même du cogito – avec l'« effet illusionnant » intrinsèque au cogito[9]. Cette illusion est celle d'une réflexivité pure du cogito censée donner directement le Moi transcendantal dans sa pureté, alors même que ce n'est jamais qu'un mixte du Moi psychologique et du Moi transcendantal qui est aperçu. Comme l'explique Richir, « le cogito relève sans doute d'une présupposition fondamentale selon laquelle la pensée est une vie en permanence présente à soi qui peut se percevoir elle-mêmesans médiation dans un acte réflexif ; en sorte que toute pensée est l'acte vivant qui émane d'un centre éternellement actif, d'une source, l'origine, qui est la source même de l'être, et que, de cette pensée intérieure à soi et vivante à l'extériorité sensible, il y a fixation, positivations successives qui sont autant de degrés d'accroissement de la passivité, de la perte de soi– du soi transparent à soi du pur présent vivant intérieur à soi »[10]. Le cogito fonctionne donc comme si il aménageait un accès direct au champ phénoménologique-transcendantal, alors même qu'il ne donne jamais qu'un mixte de psychologique et de transcendantal, qui explique aussi la confusion en quoi consiste le psychologisme transcendantal. Or cette figure illusoire du cogito est une forme particulière de ce que Richir nomme, dans sa plus grande généralité, le simulacre ontologique. Cette figure est pensée comme un simulacrepour désigner l'illusion qui en est constitutive ; et ce simulacre est ontologique, dans la mesure où il se donne – en vertu de son illusion – comme origine de tout être, c'est-à-dire, dans les termes de Husserl, comme l'être absolu et constituant. À partir de là, on peut dire que tous les efforts de Richir consistent à analyser – c'est-à-dire aussi déconstruire et « dénouer »[11]– la structure du simulacre ontologique comme illusion. Il s'agit de prendre en vue l'illusion comme illusion, sans céder à l'illusion. Et pour ce faire, il n'est d'autre moyen que d'« accompagner » le mouvement de constitution du simulacre ontologique, mais de manière un peu décalée, afin de ne pas être pris dans son effet illusoire[12]. Il s'agit finalement d'analyser sa structure proprement phénoménologique et transcendantale, sans céder au mouvement d'ontologisation qui le caractérise. Bref, il s'agit dès lors aussi de repérer dans les plis de sa structure, le « passage » ou le « glissement », du transcendantal/phénoménologique à l'ontologique[13].
Mais que peut-on dire du simulacre ontologique ? L'analyse à laquelle Richir consacre toute sa deuxième Recherche phénoménologique procède par touches successives, comme si son écriture cherchait à épouser progressivement le mouvement même de cette figure de pensée, pour en palper tous les contours et toutes les péripéties. On peut néanmoins déceler trois traits principaux, que Richir dégage progressivement dans son texte. Pour ma part, j'irai droit au but : le premier trait consiste en ce que le simulacre ontologique est une figure de pensée par laquelle quelque chose apparaît: dans le cas du cogito, ce qui est censé apparaître, c'est le Moi transcendantal. C'est dire, donc, que le simulacre ontologique s'insère, de manière générale, dans le champ phénoménologique, puisqu'il possède une structure caractérisée d'apparaître. On notera déjà, à ce propos, que le Moi n'apparaît pas de la même manière que les choses du monde, directement apparentes dans la conscience naturelle et dont l'analyse phénoménologique peut mettre en évidence la structure d'apparaître : au contraire, le Moi apparaît paradoxalement comme ce qui est de prime abord inapparent – comme l'inapparent de principe qui rend toute apparence possible, de la même manière que chez Husserl, le Moi transcendantal n'apparaît pas immédiatement, mais porte toute structure d'apparaître. Le deuxième trait permet de mieux le comprendre : on a vu que le simulacre ontologique se déploie comme l'illusion d'une pure réflexivité par laquelle le Moi peut se prendre en vue lui-même dans le cogito. Or ce retour réflexif sur lui-même, s'il est immédiat, doit aussi être la prise en vue de l'acte même par lequel le Moi s'aperçoit. Ce qui apparaît dans le cogito, ce n'est donc pas seulement le Moi pris comme une chose fixe dans l'être, susceptible d'une prise en vue stabilisée, mais c'est aussi son propre surgissement : il apparaît comme au moment de son émergence, à la pointe de sonorigine. Aussi, Richir peut-il écrire que dans sa plus grande généralité, le simulacre ontologique prend la forme d'une apparence (le Moi) en laquelle prend aussi apparence sa propre origine. Et si l'on réduit le concept d'origine, trop marqué d'ontologie[14], on dira qu'il s'agit de l' « apparence en laquelle prend apparence l'apparition de l'apparence » ; ou encore d'« une apparence en laquelle prend apparence sa propre apparition [...] »[15]: une apparence qui est aussi apparence de sa propre apparition[16]. Bien plus, on comprend que c'est cette coalescence entre l'apparence et son apparition (son origine) au Moi cet étrange statut d'être à lui-même sa propre origine, comme s'il surgissait purement en lui-même et de lui-même, comme l'émergence d'une causa sui. Aussi, ce trait caractéristique nous fait comprendre que si le simulacre ontologique s'insère dans le champ phénoménologique, comme celui de l'apparence en général, il relève aussi de ce qu'on pourrait nommer le champ transcendantal, comme région de l'origine, de l'a prioriet du fondement. Cela se confirme d'ailleurs avec le troisième trait. Il s'agit de cet énigmatique renversement en vertu duquel l'apparence singulière qui se donne avec sa propre origine, se donne aussi, du même coup, comme l'origine de toute apparence, de toute position et de tout être : dès lors, « le simulacre ontologique est [...] l'apparence en laquelle prend apparence l'apparition [en général], donc l'apparence de l'apparition »[17]. On pourrait d'ailleurs illustrer tout ceci avec les exemples classiques de la philosophie ; et tout d'abord avec celui du cogito, comme auto-aperception du Moi, duquel Richir est parti dans sa lecture critique de Husserl : il s'agit bien alors d'une apparence (quelque chose qui apparaît : le Moi) qui s'aperçoit comme au moment de sa propre émergence (le Moi se pense au moment même où il pense, à l'origine de sa propre pensée) ; mais de ce fait même, puisque le Moi s'apparaît à lui-même comme à sa propre origine, les autres apparences (apparences de choses et d'êtres du monde) semblent toujours en retard par rapport à l'auto-apparition du Moi, de la sorte que le Moi apparaît aussi comme la condition de possibilité de toute chose et tout être : se trouve alors fondée dans cette figure du simulacre ontologique, la structure profonde de l'idéalisme. Mais on pourrait aussi prendre l'exemple de Dieu (le Dieu des philosophes) comme pure réflexivité de soi à soi (la νόησις νοήσεως dont parle Aristote au livre Λ de la Métaphysique) comme origine et cause de toute chose[18].
Cela étant, cette première description du simulacre ontologique, dans sa plus grande généralité, doit être complétée : car il faut encore en comprendre le « fonctionnement ». Autrement dit, il ne faut pas oublier que le simulacre ontologique est une figure illusoire, une illusion transcendantale dont il faut mettre au jour la structure. Bref, il s'agit de dévoiler la « vraie nature » du simulacre ontologique[19]. Il suffira, pour commencer, de remarquer que la pure auto-aperception de soi-même n'a jamais véritablement lieu dans le simulacre ontologique, mais que celui-ci est animé par le fantasme d'assister à sa propre émergence hors du néant et de la non-phénoménalité[20]: il ne s'agit pas d'une réalisation de la pure et immédiate pensée de soi, mais de ce que Richir nommait, dans ses travaux précédents, le fantasme de narcissisme absolu, aussi identifié à la lumière[21]. Or, si l'on y réfléchit bien, que faudrait-il pour que le simulacre (ici : le Moi) s'apparaisse purement et simplement à lui-même de manière originaire ? Il faudrait qu'en un sens il cesse d'apparaître pour pouvoir s'apparaître à lui-même. Ou encore, « il [faudrait] donc qu'il s'évanouisse comme apparence pour ressurgir avec son apparence. Mais il ne peut s'évanouir comme apparence que s'il se pense hors de son apparence, en sorte que son soi dépourvu d'apparence puisse assister à la naissance, à l'émergence hors de l'inapparence, de son soi muni cette fois de son apparence. [...] il faut qu'il se dédouble ou se divise entre un soi inapparent mais existant et un soi enlisé dans son apparence, en sorte que ce soit ce soi inapparent qui assiste à l'émergence hors de l'inapparence de son soi enlisé dans l'apparence. Pour cela, il faut donc qu'il se réfléchisse comme soi inapparent différent de son soi apparent, et donc, par là, qu'il s'apparaisse aussi, à l'inverse, comme soi inapparent [...] »[22]. Autrement dit, c'est dans ce supposé évanouissementinstantané du Moi, par où le Moi est censé pouvoir se dédoubler et se voir purement en train de voir, que réside le secret de la magie du simulacre ontologique. Cet engloutissement est donc comme une « petite mort », que le Moi devrait traverser pour pouvoir s'apercevoir lui-même en sa genèse et s'assurer, par là même, dans la stabilité de son être. Comme l'explique encore Richir à propos de cette structure : « c'est l'illusion de son engloutissement imminent dans le creux et les entours d'inapparence de son apparence, et de son resurgissement corrélativement imminent en tant qu'apparence, comme marge apparente de ses gouffres d'inapparence. De la sorte, dans la mesure où cet engloutissement / résurgence est à la vérité un double mouvement, l'illusion transcendantale est ce en quoi se réfléchit l'apparence que prend le double mouvement de la phénoménalisation, se différant dans cette réflexion, de l'apparence en tant que laquelle apparaît le simulacre ontologique, et par suite, l'illusion transcendantale apparaît comme l'apparence ou l'illusion qu'il y a un “il y a” par où l'apparence arrive à s'apparaître, à se stabiliser hors de l'inapparence [...] »[23]. On comprend alors que le simulacre ontologique fonctionne comme un être (plus généralement : une apparence) qui apparaît en lui-même uniquement dans l'imminence de sa propre disparition, parce qu'il traverse pour ainsi dire sa propre mort, mais assuré de sa réapparition : il apparaît au moment de sa disparition comme assuré de sa réapparition[24] ; et c'est alors seulement qu'il peut apparaître comme un être stabilisé hors de l'apparence, avant même sa parution, comme se tenant de lui-même au lieu de son origine, qui ne peut être aussi que le lieu de l'origine de toute chose. C'est pourquoi le simulacre ontologique apparaît aussi, du même coup, comme l'origine de tout être – comme l'apparition de toute apparence. Cette illusion est donc bien celle de l'origine d'une apparence s'apparaissant à elle-même, et se donnant dès lors comme l'origine jaillissante de l'être. Or, la déconstruction du simulacre ontologique – qui est aussi sa « réduction »[25]– nous a montré que ce comme quoi se donnait le simulacre ontologique n'était qu'une apparence illusoire. Et on le sait, la phénoménalité de l'illusion transcendantale est celle du clignotement. Aussi faut-il comprendre l'engloutissement / résurgence du simulacre ontologique comme un double mouvement qui caractérise en propre la « vie de la pensée »[26]et du phénomène. La pensée du simulacre conduit donc à la pensée du phénomène.
On peut donc conclure cette brève traversée de la problématique du simulacre ontologique dans les deux premières Recherches phénoménologiques en annonçant l'approche qui s'y amorce d'une conception de la réduction phénoménologique comme réduction dusimulacre ontologique, et corrélativement, d'une réduction àl'apparence en tant que telle. Richir s'en explique, entre autres, comme suit : « il ne s'agit plus tant, pour gagner la spécificité de l'apparence en tant que telle, de mettre hors jeu toute position d'une extériorité par une intériorité – il ne s'agit là que d'une prémisse de la réduction –, que de déployer par la pensée un mouvement qui épouse les caractères de la distorsion originaire, à savoir un mouvement qui est à la fois englobant et déployant, un mouvement de dérouler le dedans dans le dehors et d'enrouler le dehors dans le dedans, donc un double-mouvement de déroulement/enroulement qui jamais ne doit se refermer sur un dedans [...] et qui, dans le même mouvement, ne doit jamais s'ouvrir sur un dehors forclos par rapport à un dedans. C'est ce double-mouvement que nous avons désigné comme le double-mouvement de la phénoménalisation : c'est en lui, en effet, et en lui seulement, que l'apparence se phénoménalise en tant que telle, et non pas, bien sûr, comme telle ou telle apparence déterminée d'avance [...], mais précisément [...] comme l'apparence en tant que telle, c'est-à-dire a priori, comme toute apparence possible »[27]. Comment une telle pensée du phénomène peut-elle concrètement se déployer en effectuant la réduction ? Ce n'est plus en compagnie du texte des Recherchesque j'ai voulu le montrer, mais en commentant un texte particulièrement crucial extrait de la troisième Méditation phénoménologique, laquelle a guidé tous mes développements dans ce chapitre.
[1] Cf. Recherches phénoménologique (premier tome), Ousia, Bruxelles, 1981 (j'écris désormais : RP/I), pp. 9-15.
[2] Cf. RP/I, p. 16.
[3] Cf. RP/I, pp. 16 sq.
[4] Cf. RP/I, p. 17.
[5] Cf. RP/I, p. 25.
[6] RP/I, p. 19 (italiques de Richir).
[7] Cf. Hua IX, pp. 340 sqq., et Hua I, p. 71 – textes cités et commenté par Richir dans RP/I, pp. 19 sqq.
[8] On rappellera à cette occasion que la question du psychologisme est ancienne, dans la réflexion de Richir, puisqu'il publie dès 1969 un article intitulé : « Le problème du psychologisme. Quelques réflexions préliminaires ».
[9] Cf. RP/I, p. 19.
[10]RP/I, p. 28.
[11]Cf. RP/I, p. 99.
[12]Cf. RP/I, p. 97.
[13]Cf. RPI/I, p. 107.
[14]Cf. RP/I, p. 95.
[15]RP/I, p. 95.
[16]Cf. aussi RP/I, p. 61 : « le simulacre ontologique ne peut être qu'apparence de l'apparition de l'apparence – si l'on veut, le mythe que l'apparence se fabrique de sa propre apparition ».
[17]RP/I, p. 95.
[18]Il faudrait un jour reprendre la problématique du simulacre ontologique dans les Recherches, tout en lisant, en écho, les différentes figures de la philosophie avec lesquelles Richir se débat implicitement : la tradition platonicienne et néo-platonicienne, tout d'abord, dont la méditation pétrit manifestement chacune des pages du texte Richir ; mais aussi, en parallèle, les grands textes de l'Idéalisme allemand. Mentionnons aussi Heidegger, en rappelant une indication de Richir sur la quatrième de couverture du premier tome de l'ouvrage, selon laquelle la deuxième Recherche consisterait en une « confrontation implicite avec la pensée de Heidegger ».
[19]Cf. RP/I, p. 132.
[20]Cf. RP/I, p. 121.
[21]Dans Le rien et son apparence, que Richir cite in RP/I, p. 122.
[22]RP/I, p. 121.
[23]RP/I, p. 125.
[24]Cf. RP/I, p. 127.
[25]Cf. RP/I, p. 47.
[26]Cf. RP/I, p. 236.
[27]RP/I, pp. 41-42.